Bio et agroécologie sous tension

Bio et agroécologie : peut-on trouver des modèles organisationnels et économiques réellement "rentables" en prenant en compte toutes les externalités ? Débat entre Marc Dufumier, Stéphane Le Foll, Jean Roger-Estrade.

Intervenants :

Jean-René Estrade, Professeur d’agronomie à Agro Paristech
Marc Dufumier, ancien professeur d’agronomie à Agro Paristech, membre du comité scientifique de la fondation pour la nature et l’homme de Nicolas Hulot
Stéphane Le foll, ancien Ministre de l’Agriculture

A départ de cette discussion il y a un consensus : l’agriculture telle qu’on la pratique depuis la seconde guerre mondiale très mécanisée et qui s’appuie sur l’apport massif d’intrants ne correspond plus aux attentes de l’ensemble de la société. Il reste à s’accorder sur un point important : quel(s) sont/est le/les système(s) à mettre en place et comment ? A quelle vitesse et avec quels leviers (économique, politique, en suivant quelle philosophie, quelle éthique vis à vis du vivant ?) ?

Bio – agroécologie ? Les deux semblent être des solutions et les deux sont sous tension. Il ne s’agit pas de les opposer.

4.23 Pourquoi sous tension ?

On reproche à une certaine agroécologie institutionnelle de ne pas se situer suffisamment en rupture avec le modèle conventionnel (intensif, productiviste, de ne pas assez faire d’efforts du côté des intrants). Côté bio, on pointe des dérives (perte de valeurs éthiques : un cahier des charges respecté d’un point de vue agronomique mais sans trop se soucier des conséquences sociales et environnementales d’une industrialisation du secteur). D’un autre côté on pense aux risques que pourraient provoquer des changements trop brutaux. Le plus urgent ne serait-il pas d’abord de changer les mentalités ? De changer notre rapport au vivant chez les agriculteurs mais aussi chez les consommateurs.  Ces choses-là doivent se penser dans le long terme.

Le but de ce débat est d’entrer dans la complexité du sujet. Quels sont les facteurs qui entrent dans les choix d’un chercheur, d’un scientifique et d’un politique ?

6.17 Jean-René Estrade

En agriculture bio il s’agit de produire sans produit phytosanitaire, d’apporter une attention particulière à la qualité des sols. Il faut se poser la question : est-ce que l’agroécologie embarque toute l’agriculture biologique ? est-ce que la bio est agroécologiquement compatible ?

Il y a quelques points qui méritent une attention particulière. Notamment le travail du sol. Il y a tout un mouvement qui milite pour la suppression du travail du sol totale ou maximale. C’est quelque chose qui pose problème à l’agriculture biologique. On pourrait voir là une source de tension car l’agriculture biologique utilise le travail du sol comme outil central de lutte contre les adventices.

En Europe centrale on a des pays qui pratique à très large échelle l’agriculture biologique avec des moyens qui visent la performance économique, l’approvisionnement des marchés mondiaux. Sur un certain nombre de points certains pensent que l’esprit initial qui portait l’agriculture biologique n’est pas respecté. Le bio qui prend aujourd’hui de l’ampleur est peut être face à une crise d’adolescence.

L’Agroécologie ? Il y a plusieurs acceptions à ce terme. Si on s’en tient à l’agroécologie comme un ensemble de pratique :
-préservation des sols,
– favoriser le recyclage de la biomasse,
– économiser les ressources, en particulier l’énergie fossile,
– favoriser la diversification des espèces cultivées, des rotations, …
– et s’appuyer sur les régulations biologiques
Tout cela en minimisant le recours aux pesticides.

Et ces modèles (il y a un grand nombre de pratiques qui visent à respecter ces cinq grands principes énumérés plus haut ) sont sous tensions car il y a des questions qui se posent sur la productivité des systèmes afin de répondre aux contraintes économiques et sur leur maitrise technique.

13m45 – Marc Dufumier

L’agriculture biologique a un cahier des charges avec une obligation de moyens plus que de résultats et qui peut être certifié et les produits peuvent être payés plus chers pour rémunérer le surcroit de travail.

L’agroécologie, c’est si on en croit l’ancien ministre de l’agriculture, concilier performance économique et environnementale. Cette discipline peut être perçue comme une disciplines scientifique… celle des agroécologues. Ce que l’agronomie n’aurait jamais du cesser d’être… pas une agronomie normative « nomos » mais une agronomie logique, une discipline scientifique dont l’objet est de rendre intelligible la complexité et le fonctionnement des agroécosystèmes c’est de considérer que le travail des agriculteurs ce n’est pas de considérer le champs, le troupeau,… pris séparément. C’est de considérer que chaque technique agricole a un effet sur l’ensemble de l’environnement, de l’écosystème, de l’agroécosystème (écosystèmes aménagés par les agriculteurs).  Le premier livre sur l’agroécologie de Miguael Thierry, considéré comme le ponte de l’agroécologie à Berkeley, était préfacé par René Dumont. Ce n’est donc pas tout récent de considérer l’agroécologie comme une discipline scientifique.

Si on s’inspire de l’agroécologie on a le droit de reconnaitre des formes d’agroécologies idéales. L’agriculture biologique, pour des raisons historiques a opposé un peu hâtivement,  le chimique au naturel.
Un pesticide naturel reste un pesticide. D’autre part un bocage n’a rien de naturel. C’est un bel agroécosystème qui, dans l’histoire de l’humanité, a montré qu’on pouvait concilier « mise en valeur de l’ensemble des capacités productives pas simplement du sol mais de l’agroécosystème ». On met en valeur les capacités productives pas seulement du sol. D’ailleurs la principale menace dans la fertilité de nos agroécosystèmes aujourd’hui, le sol, la fertilité, les champignons mycorhiziens, le taux d’humus, l’érosion, la salinisation selon les endroits mais aussi la surmortalité des abeilles. La menace qui pèse sur la fécondation des pommiers, des poiriers. Il faut élargir le concept de fertilité à l’ensemble de cet agroécosystème.

On m’a demandé d’enseigner aux malgaches la riziculture améliorée, le engrais, etc…  Or quand je me suis promené dans ces rizières je me suis rendu compte que ce que j’allais enseigner aller amener à tuer les grenouilles, les insectes et canards qui contribuaient à enlever les adventices et les insectes ravageurs du riz. Et moi avec mes techniques j’allais proposer de tuer les grenouilles, les escargots…   Ce sont les femmes malgaches analphabètes qui m’ont appris qu’une rizière était bien plus compliquée que ce que j’imaginais. Elles m’ont montré qu’il fallait regarder l’ensemble des êtres vivants là-dedans. Elles m’ont expliqué que perdre du temps à piquer du riz bien droit avec un cordeau pour faciliter le désherbage les privait de récolte de café avec leurs maris. Ce qu’elles auraient pu gagner en rendement dans les rizières elles le perdaient en fait en revenu considérable de café.

23.55 Stéphane Le Foll

L’agriculture biologique est née en opposition à l’agriculture conventionnelle. C’est un phénomène de réaction à la chimie et aussi à l’idée de la production à outrance. Dans mon enfance il y avait des clubs de cent quintaux et ils se rencontraient dans les comices agricoles pour savoir comment il fallait faire.  L’agroécologie est arrivée pour dire non : on ne peut pas être dans une course à la production surtout si elle va amener les agriculteurs à utiliser des pesticides et jusqu’à la génétique qui a été la grande passion des chercheurs pendant trop longtemps. Vous vous êtes focalisés trop longtemps sur des approches très sectorielles. Si l’agroécologie a un sens c’est dans son approche systémique. J’imagine que dans 10-15 ans il y ait 0 zéro résidu pesticides dans les produits agricoles. Je n’ai pas dit zéro utilisation de produits phytosanitaires. Mais zéro résidu au bout du processus de production. Les enjeux de l’agroécologie est de changer la totalité des modèles de production en utilisant les mécanismes de la nature. Pour les labels bio, ce n’est plus sur l’usage des pesticides que ça va se jouer sur les 10-15 ans qui viennent c’est sur les dimensions sociales, organisation. Il va y avoir un débat à construire dès aujourd’hui.

30.14 : Il ne s’agit d’adapter les méthodes de l’agriculture conventionnelle à l’agroécologie. Il faut tout remettre en question en devant spécialiste notamment de la photosynthèse.

30.55 : L’agronomie a porté une approche systémique du champs cultivé. Elle s’est construire justement au moment où la théorie des systèmes émergeait dans les années 70. La transition agroécologique a beaucoup à tirer de la vision théorique et systémique que l’agronomie a théorisé comme étant le cadre conceptuel dans lequel il faut réfléchir à l’évolution des pratiques. L’agronomie a pour objet de penser, repenser les techniques culturales. Elle a tout à fait sa place dans l’agroécologie. Je ne nie pas les erreurs du passé : le remembrement. L’acharnement sur le travail du sol me pose problème. On peut tout à fait travailler un sol couvert sans le retourner.

33.25 : Le travail du sol était souvent pour le désherbage or le travail du sol a des impacts (consommation d’énergie fossiles pour les tracteurs, …) et le résultat : un terre mise à nue qui voit son eau s’évaporer par le soleil. Quand on connait les problématiques d’eau qu’on va connaitre… l’évaporation de l’eau est un vrai problème. Deuxièmement plus on a de matière organique dans les sols et plus on a des sols riches et qui ont des capacités à retenir l’eau et une vie microbienne qui ensuite favorise la fertilité.

35.25 : Tension entre offre et demande : la France perd des parts de marché. On importe de plus en plus de produits bio. On ne parvient pas à répondre à une demande croissante à plus de deux chiffres par an.
Ceux qui sont dans des démarches de progrès (agriculture de conservation) ils sont pas forcément mieux rémunérés car il n’y a pas de certifications, de labels. Du coup ça ressemble à une querelle de religions.
Si on veut que le bio rémunère convenablement il faudra aussi le labelliser « équitable ».
Il y a une demande en France de produits bio (pour des raisons de santé vraisemblablement). Je ne partage pas forcément l’optimisme sur les résidus pesticides. Si on arrive à me dire qu’il n’y aura pas d’antibiorésistance avec une agriculture qui mise sur la productivité, le moindre coût monétaire. Il y aura certainement des coûts cachés, des externalités négatives.
Il y aura peut être un jour ou on remettra les bêtes sur la paille, remettre de l’humus dans les sols.

39 : programme écophyto qui n’a pas très bien fonctionné.
Le programme antibiorésistance a très bien marché en 2016 puisqu’on a réduit de 36% la consommation d’antibiotiques. On a obtenu ce résultat simplement en s’organisant.

45.12 : Le reproche qu’on pouvait faire à l’agronomie c’est la « nomie », la recherche de normes.

46 : si on revient sur la transformation des systèmes agricoles. Il y a des verrous socio-techniques. Et lever ces verrous et extrêmement difficile. Ecophyto 2 est mieux fait. Sur la transformation du modèle on définit trois trajectoires possibles :
– on continue sans changer le modèle de base et on corrige toutes les externalités négatives
– la substitution par moyens biologiques,
– la reconception des systèmes
Pour moi les différentes voies doivent coexister.

52.03 : productivité et équité
Si notre agriculture met l’accent sur la productivité prix (celle du supermarché,…) sans regarder les coûts cachés (les externalités négatives, les coûts pour la société, les impôts qu’on paie pour retirer les algues vertes ou traiter l’eau pour qu’on n’ait pas de glyphosate ou d’atrazine…) on va droit dans le mur. C’est donc une refondation de tout ça qui. Il n’y a pas de coexistence possible entre une agriculture jouant sur la compétitivité prix et une autre qui serait plus éthique. Il n’est pas question d’avoir une agriculture bio pour les bobos et les perturbateurs endocriniens pour les couches modestes. On va tout devoir refondre. Est-ce qu’il y a des moyens inspirés de l’agroécologie ? Oui. Quel est le meilleur usage des rayons du soleil sur le territoire français ? Évidemment couverture végétale maximale. Les feuilles vertes transformant l’énergie du soleil en énergie alimentaire. Il faut fabriquer les hydrates de carbones, les protéines, les lipides, les amidons, etc… Il faut que la plante prenne le carbone du gaz carbonique eh bien faisons l’usage intensif du carbone du gaz carbonique. La même chose avec l’azote de l’air… Faisons un usage intensif de ce qui ne coute rien et dont on dispose en quantité. Cependant c’est la gestion de l’eau à laquelle il va falloir être très attentif dans toutes les régions. Avec une couverture végétale la plus importante possible, on pourra emmagasiner le plus d’eau possible.

54.29 : vivre avec les compétiteurs, les agresseurs mais on minore leur prolifération.
Il faut que nous retrouvions notre autonomie protéique. Ne pas aller chercher l’azote brezilien sous forme de soja pour le donner à des cochons en sur-nombre qui ne sont pas élevés sur la paille et l’azote de l’urine rejoint le littoral. C’est ce qu’on appelle avoir tout faux.
Il faudra remettre de protéines végétales que ce soit pour nos ruminants ou pour nous-mêmes.
Oui l’agroécologie peut nous inspirer pour une agriculture vertueuse, y compris avec les haies, les insectes auxiliaires, pollinisateurs, les coccinelles, les carabes qui vont neutraliser les limaces, les mésanges qui vont s’attaquer à la larve du carpocapse et vous ne mettrez plus de pesticides, vous verrez.

56.40 : Pourquoi ça couterait plus cher ?
La maitrise des éco-systèmes n’est pas antinomique avec des prix tout à fait accessibles. Quand je suis allé en Afrique du Sud (Le Foll), je me suis rendu compte que la compétitivité ce n’est pas ce qu’on pense (57.32). Combien de fermes laitières en Afrique du Sud ? 5-6000 ! Combien de vaches en moyenne par ferme ? 30 000 – 35 000 ! Achetés 43 centimes le litre alors qu’en France à la même époque : 26-27 centimes. Il faut bien renouveler le capital (cheptel et bâtiment). Donc l’enjeu de l’agriculture pour sa compétitivité c’est le désinvestissement en besoin de financement et capital. Les Néo-Zélandais pourraient amener le lait en poudre jusqu’à Durban, on le transporterait jusqu’à Johannesburg et il nous couterait moins cher. On peut pas le faire sinon toute la production laitière de l’Afrique du Sud tomberait. Les Néo-Zélandais investissent dans l’herbe… ils gèrent l’herbe (59.04).

59.40 Le postulat qui consiste à dire que pour produire mieux il faut produire moins est un postulat qui peut être tout à fait contesté. On peut produire en étant écologiquement intensif.
Les oasis sont des systèmes de permaculture très sophistiqués.

En France, on a ce problème d’opposition agroécologie – productivisme. Le débat bloque sur cela.

1.01 – Question à Stéphane Le Foll sur la productivité. Est-ce que le rôle de l’agriculture ce n’est pas léguer les terres dans un meilleur état, la résilience face au changement climatique, … Il y a peut être d’autres enjeux qui peuvent primer sur la compétitivité ?
Qu’est-ce que la compétitivité ? C’est quand tu produis quelque chose et que tu trouves un débouché sur un marché. Par exemple pour la bio, on produit pas suffisamment par rapport aux potentiels du marché. C’est un problème de rapport entre le prix du produit et ce qu’on peut trouver sur le marché d’équivalent que les gens peuvent ou pas acheter. La compétitivité c’est trouver un débouché à ce qu’on produit. Une fois qu’on a dit ça est-ce que ça est-ce que ça empêche de raisonner autrement pour intégrer fondamentalement les grands enjeux environnementaux ? Non !
C’est ce qui me parait être le problème politique et culturel le plus important. On est totalement bloqué  sur cette question.
Quand j’étais ministre j’avais cette opposition entre une agriculture conventionnelle productiviste, une agriculture bio qui ne produisait pas assez et une agriculture agroécologique qui me disait que je n’avais rien compris. Or la couverture des sols, l’utilisation de la photosynthèse, quand on cherche à ce  que la biomasse soit maximum sur ce qu’on a potentiellement à produire on fait de l’environnement. Quand on a des rotations avec des productions végétales qui peuvent couvrir le sol de manière extrêmement serrée, on empêche les adventices de pousser. L’objectif de l’agroécologie ce n’est pas d’aller vers le zéro problème , zéro bactérie. L’idée qu’on éradique ! ça c’est terrible ! C’est une erreur : ce qu’on éradique à un endroit à un impact sur autre chose.

La question de souveraineté alimentaire est liée aussi à notre capacité à mettre sur le marché des produits qui vont être achetés par les consommateurs français (ça vaut sur les marchés régionaux, sur les les circuits courts) et ça vaut aussi pour les marchés internationaux. Jamais personne ne s’est posé la question de savoir pourquoi on exportait du champagne ou du bordeaux et personne ne conteste le fait qu’on le fasse. Parce que c’est culturellement l’idée qu’on vent une part de la culture française.
Enherbage entre les ceps de vigne : culturellement les agricultures pensaient qu’il y avait une concurrence entre l’herbe et la vigne et que l’herbe dans la vigne c’est pas propre. Ils utilisaient des produits phyto, ensuite le travail mécanique alors qu’on peut avoir de l’herbe. Il y en a même qui sont plus malins puisqu’ils sèment du seigle, avec le seigle il faut de la paille avec la paille ils font du mulch qui mettent aux pieds de vigne ce qui garde l’eau.
1.06 : Question à Marc Dufumier : Est-ce que vous envisagez le problème de la désertion des zones rurales (les gens ne veulent plus y habiter) quand vous parlez d’emploi intensif de main d’œuvre ?
La compétitivité prix sur une filière sans regarder les externalités négatives n’a pas de sens. Aucune filière agriculture industrie n’a de chance de survivre en France. Exemples de concurrences mondiales.
Une étude de l’INSEE de 2017 montre que l’on peut être rentable : le deuxième dossier porte sur l’agriculture biologique. L’approche bio crée plus de valeur ajoutée à l’hectare (compétitivité pays : revenu national net) sur trois filières : viticulture, céréaliculture et lait. Ce rendement est vrai aussi par travailleur mais aussi en rapport au capital permanent. Le bio est déjà rentable sur ces trois filières-là. Au-delà de la dimension économique, il y a même une question de santé publique puisqu’on nous prédit, du fait des perturbateurs endocriniens, une espérance de vie en bonne santé de 10 ans de moins que les gens de ma génération. Ces perturbateurs agissent sur les glandes hormonales > Parkinson, Alzeihmer, cancer prostate, cancer du sein.
Sachez qu’on ne manque pas de main d’œuvre pour travailler à la permaculture dans la périphérie des villes en France. Terre de liens essaie de les installer.
1.11 : Question : Il y a une tension entre le bio et l’agroécologie qui est la valorisation (l’un est valorisé par un label AB reconnu, l’autre non avec une certification haute valeur environnementale qu’on connait mal). Qu’attendez-vous pour mieux valoriser l’agroécologie auprès du consommateur ?
ça prend beaucoup de temps et d’énergie pour essayer de faire bouger les choses. Après se pose la question de la labellisation. Qu’est-ce qui va valoriser le travail avec des externalités négatives ? Les moins 30 ou 40 % de rendements doivent être rémunérés ou compensés. C’est ce qui se passe avec les aides. L’agroécologie n’est pas reconnue face aux cahier des charges de l’agriculture biologique. Aujourd’hui on va construire les cahiers des charges de l’agroécologique en fonction des écosystèmes donc on n’est pas sur les mêmes systèmes. Le problème c’est de ne pas laisser capter l’agroécologie ou la démarche HVE par les industriels ou les distributeurs. La construction de ces labels est indispensable.
Mac Donalds a fait un travail de contractualisation avec les producteurs pour payer légèrement plus cher les produits à condition qu’ils présentent des signes d’assurance (émission moindre de gaz à effets de serre, utilisé moins de phyto et moins d’engrais azotés de synthèse). Jusqu’à présent on fait porter le point de la transition sur les seules épaules des agriculteurs. Cette transition doit aussi embarquer consommateurs. Il y a plusieurs grands groupes qui vont dans le bon sens même s’ils ne vont pas jusqu’à la re-conception totale des systèmes.
1.18 : Question sur l’éducation des consommateurs à ne pas regarder que le prix.
La croissance de la bio est à deux chiffres. Elle est supérieur à l’offre. Le consommateur a déjà changé de comportement (étude INSERM – NUTRINETSANTE). Cette dernière étude montre que la consommation de produits bio n’est pas corrélée avec les niveaux des revenus car ils seraient déjà impliqués dans un changement de régime alimentaire (moins de viande rouge et plus de légumes secs).
Le commerce équitable a aussi une croissance à deux chiffres. 75% des produits équitables qui viennent du sud sont bio. Le label équitable peut être appliqué sur des produits produits en France.
Il faut remettre les choses dans leurs contextes : il y a 5-6 millions de français qui vont à des banques alimentaires. On ne vit pas dan un monde qu’on construit, on vit avec des réalités.
Si on utilisait les subventions de l’agriculture pour rémunérer la démarche agroécologique, on aurait une incident sur les prix.
1.24 : Question : Est-ce qu’on est bien préparé à mettre en œuvre la démarche agroécologique dans sa dimension pluridisciplinaire ?
Il y a des choses qui bougent. Il y a eu des blocages des chercheurs eux-mêmes qui nous ont emmené trop loin en particulier dans la génétique et se sont eux-mêmes pris à leurs propres jeux. Et on a oublié que l’effet des systèmes permet de prendre en compte la complexité dans laquelle il peut y avoir de la génétique. Mais avoir laissé croire qu’avec de la génétique on allait tout régler… On a cru longtemps que c’était la génétique qui allait régler la problématique de rendement sans s’occuper du sol et de tout le reste…. Une génétique qui travaille sur des bases de plus en plus larges. Il faut aller chercher des espèces qu’on a complètement perdues.
1.27.49 : Question : Comment expliquer à l’agriculteur ce que les chercheurs font et que c’est utile ? Ils nous prennent un peu pour la NASA. Est-ce qu’on ne peut pas faire remonter les besoins des agriculteurs plutôt que de les faire descendre ?
La question du transfert est aussi vieille que la recherche. Il y a la création d’un institut sans mur qui travail sur l’innovation en rupture qui a deux principes : faire du multidisciplinaire (aller chercher des pratiques innovantes dans d’autres secteurs comme l’industrie ou les énergies renouvelables,…) ; deuxième grand principe : la co-conception. Dans le champs de la reconception.
L’innovation viendra dans les deux sens.
1.32 : Question : Est-ce qu’un gouvernement peut être systémique (travailler autour des questions dans une démarche interministérielle) ?
Il a fallu faire beaucoup d’efforts pour convaincre les autres ministres qui n’y comprennent rien. Par exemple le plan antibio résistance: il a fallu convaincre la ministre de la santé de l’époque que l’idée du découplage n’était pas forcément la meilleure et que c’était plutôt une question de prix. Aujourd’hui on a des indicateurs économiques or il nous faut là de nouveaux indicateurs pour mesurer ces interactions dans un objectif de stocker du carbone. Avant même de penser l’interministérialité, le gros sujet c’est les indicateurs de la transformation photosynthétique de l’énergie solaire. Ce sont de nouveaux indicateurs passionnants car il y a tout à faire. Un des indicateurs pourrait être l’énergie solaire utile.
1.37 : Question sur les GIEE : Souvent ils sont des projets de chambres d’agriculture or si on veut faire de l’innovation il faut être ouvert à l’échec. On ne peut pas tout prévoir à l’avance.
De l’inachevé bourdonne l’essentiel. Les GIEE peuvent être des expériences sociales qui leur permet aujourd’hui de faire des projets communs et collectifs. On a laissé croire que les agriculteurs étaient des chefs d’entreprise. Ce n’est pas vrai. Il peut être chef d’exploitation mais il s’inscrit dans des projets plus collectifs. Les assolements dont on parle on ne peut plus le faire exploitation par exploitation. Il va falloir qu’on le fasse sur plusieurs centaines d’hectares avec des objectifs. Il faut continuer à les suivre. Avoir des analyses sociologiques et économiques de ces systèmes.
1.40 : Comment maintenir l’avantage géostratégique de la France dans ce système agroécologique pour éviter notamment que l’Ukraine vende du blé au détriment de la France ?
Si on veut lutter contre l’Ukraine, on va perdre : ils sont passés de 15 quintaux à 20-25 et ils vont aller à 35 sur des hectares. Nous on a un avantage : si on peut avoir des rotations plus longues et qu’on sait occuper l’espace temps, utiliser l’énergie solaire. Là on a un petit avantage. Mais aller chercher la compétitivité sur des blés standards par rapport l’Ukraine dans les 10-15 ans qui viennent… là je le dis… ce serait ridicule. Et on va voir ce que le mode de culture va leur provoquer dans peu de temps sur leurs écosystèmes. On a d’autres avantages qu’il faut qu’on utilise intelligemment.
1.44 : L’énergie utilisée et le lien avec le réchauffement climatique. Comment fait-on de l’agroécologie sans machine ?
Les assolements se feront davantage collectivement. Association agriculture élevage. Matériel en commun pour faire face à la diversité des assolements. Il y a donc une révolution économique et sociale à mener. Il faut produire pour nos besoins européens. Les Egyptiens et les algériens pourront s’approvisionner auprès de l’Ukraine. L’énergie c’est la photosynthèse ce sont les calories élémentaires. Nous si on libère du terrain et qu’on produit des légumineuses. Vous ajoutez de l’azote sur un hydrate de carbone pour fabriquer des protéines. ça nous évite tout de même l’importation de gaz naturels russes ou norvégiens et de soja du Brésil. ça nous évite de produire des engrais azotés de synthèse. Le blé de demain ce sera du blé de 50 quintaux fertilisés avec de la luzerne.
1.48 : Il y a un danger qui guette la transition agroécologique. Il peut y avoir un chemin vers l’enfer. Le groupe Tereos a investi au Bresil en ne tenant pas compte des externalités négatives de façon à faire de l’argent avec l’éthanol qu’il produit. De la même manière, les grands groupes céréaliers français ont acheté des dizaine de milliers d’hectares en Ukraine et produisent pour des marchés mondiaux à des prix défiants toutes concurrences. Le risque donc est qu’en France on arrive à mettre en place alors que les grands groupes continuent à exporter les externalités négatives dans d’autres pays que le notre.
1.50 : Attention à l’idée que par nos pratiques agroécologiques on serait amener à nous recroqueviller sur nous-mêmes et qu’on n’aura plus de place ailleurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *