La vérité sur l’impact du digestat dans le sol

Sabien Houot, Directrice de Recherche INRAE

0.30 : La grande question c’est de savoir si l’implantation d’un méthaniseur sur l’exploitation agricole va diminuer les ressources en matières organiques qui vont retourner au sol.
Petit rappel : la matière organique dans les sols c’est l’élément qui pilote la fertilité des sols, l’activité biologique, les propriétés physiques  des sols, la chimie dans le sol également. Et c’est quelqu’un de très important actuellement car on  parle de puits de carbone dans les sols, label « bas carbone ». Le fait de stocker du carbone dans un sol permet  d’atténuer le changement climatique.

1.22 : Pour les digestats, quelle est leur capacité, une fois épandus à entretenir la matière organique ? A l’issue du procédé de méthanisation, il y a eu une dégradation de la matière organique bio-dégradable pour faire du bio-gaz. La matière organique qui reste dans le digestat est stabilisée au cours du processus de méthanisation. L’efficacité du digestat va dépendre de la quantité de digestat apportée au sol, de sa teneur en matière organique et de la fréquence de l’apport. A partir de cela on peut calculer une dynamique d’augmentation de la matière organique. On voit bien qu’avec un digestat solide vous avez des dynamiques d’augmentation par contre avec un digestat liquide on va avoir peu d’évolution de la matière organique dans les sols.

2.35 : Est-ce que la ration de base a un rôle sur cette teneur en matière organique du digestat ?
Oui, les intrants dans un méthaniseur vont conditionner les caractéristiques des digestats. En particulier si vous mettez des intrants très ligneux. Et la lignine est très efficace pour augmenter la matière organique des sols.

3.10 : Il y a beaucoup de questions pour savoir quel impact si on exporte beaucoup de production des cultures vers les méthaniseurs et qu’on rapporte au sol qu’un digestat. Est-ce que cette méthode augmentera la matière organique dans les sols ? Il y a quelques résultats expérimentaux qui montrent que ces cultures, si elles sont apportées directement ou après méthanisation ou si elles sont digérées par un animal, on a à peu prés la même quantité de carbone qui reste dans le sol parce que tout ce qui est biodégradable soit est parti dans le sol, soit est partie au cours de la méthanisation soit est partie dans l’estomac des vaches avant de retrouver le sol.

3.56 : Le digestat a un rôle de fertilisant indépendamment de la matière organique. Ce même le premier intérêt du digestat c’est d’être un fertilisant azoté très intéressant.  Au cours de la méthanisation, l’azote reste dans le digestat. Il est minéralisé tout comme la matière organique mais il est sous forme ammoniacale. Cet ammoniac est très intéressant comme fertilisant mais c’est aussi un engrais très volatile. C’est pour cela qu’on conseille d’enfuir les digestats très rapidement car il y a un risque très important de volatilisation.  On mesure des efficacités engrais pour des digestats qui sont très intéressants (allant jusqu’à 60-70 % d’un engrais minéral).

4.59 : Les effets toxiques du digestat dans le sol
Les digestats, du fait qu’ils sont très riches en azote ammoniacale tout comme les lisiers, ils peuvent avoir un petit effet toxique sur les populations de vers de terre lorsqu’on apporte un digestat sur un sol déjà très humide. Les vers de terre réagissent mal au fait qui leur arrive de l’ammonium. On peut voir remonter à la surface des vers de terre après épandage de digestats. Après plusieurs apports de digestats, on voit augmenter la matière organique dans les sols et donc on voit aussi augmenter les populations de lombrics par rapport à une parcelle qui ne serait fertilisée qu’avec des engrais minéraux. Ce qu’il faut retenir c’est qu’on a plutôt un effet positif sur les populations de vers de terre et qu’on peut avoir des effets un peu toxiques transitoirement et seulement en condition de sols assez humides.

6.23 : Point de vigilance : propriétés physiques des sols notamment les tassements.
Epandage sur sols engorgés = risque de tassement. D’où le développement de matériel pour faire de l’épandage déporté.

6.47 : Cultures intermédiaires.
Dans le bassin parisien, les cultures intermédiaires à vocation énergétiques se développent beaucoup. Si on compare une culture intermédiaire à vocation énergétique à une culture piège à nitrate classique. Celles à vocation énergétique ont de rendements supérieurs aux pièges à nitrate classique (non seulement en biomasse aérienne mais aussi en racine et en chaume). Quand on coupe une culture intermédiaire à vocation énergétique, ce qui reste (racines + chaumes) représentent plus de matière organique. Les retours au sol de ces cultures énergétiques ont de meilleurs rendements que les pièges à nitrate. La vigilance à avoir : il ne faut pas trop de dérive et de changement dans les systèmes de culture. Ne pas favoriser les cultures intermédiaires au détriment des cultures principales.

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