Quels sont les enjeux de l’agroécologie pour la formation ?

Jean-Marc Meynard, INRAE, montre l'évolution du concept d'agroécologie sur 30 ans - Jean SImonneaux, ENSFEA, montre que l'agroécologie correspond au développement d'une pensée critique.

Intervenants :
– Jean-Marc Meynard, Directeur de recherche l’INRAE Slides de son intervention
– Jean Simonneaux, Professeur en Sciences de l’éducation à l’ENSFEA Slides de son intervention

Intervention de Jean-Marc Meynard :

Évolution des définitions de l’agroécologie :
– au début des années 80, l’agroécologie est vue comme l’application des concepts écologiques à la conception et à la gestion des agroéco systèmes. Ceci a entrainé des travaux sur la réduction des intrants, sur le recyclage des éléments et sur la diversité des assolements.
– à la fin des années 90, la définition de l’agroécologie a évolué pour devenir l’écologie des systèmes alimentaires. Ce qui amène à inclure toutes les parties prenantes au système alimentaire.
– aujourd’hui c’est l’intégration entre la recherche, l’éducation, l’action et le changement en relation avec la durabilité de l’ensemble du système alimentaire aux plans écologique, économique et sociétal.

L’agroécologie est transdisciplinaire au sens qu’elle porte une attention à l’ensemble des formes de savoirs et participative au sens où elle requiert une implication de tous les détenteurs d’enjeux et enfin qu’elle est orientée par l’action.

Dernier élément de cadrage : le terme renvoie à des pratiques, des mouvements sociaux, à des domaines scientifiques. Sachant que l’emploi du même terme pour désigner les trois domaines a pu, à certains moments, être troublant.

L’agroécologie décrit un changement de l’agriculture parti d’un changement de l’agriculture qui inclue progressivement les conditions du changement.

Au dela de la polysémie du terme, c’est une manière de penser l’agronomie qui oriente la recherche, l’action et la formation. Et fait le lien entre des mondes qui sont traditionnellement étanches (agriculture, milieu naturel, la science, l’alimentation, la politique). Une richesse de liens établis par l’agroécologie, foisonnement des idées qui amène à une évolution des gestes et des postures.

Quels enjeux pour la formation ? Telle est la question d’aujourd’hui traitée en 5 points :

  • Mobiliser de nouveaux champs de savoirs (régulation biologique, le recyclage des nutriments)
  • Adopter une démarche systémique à l’échelle de la parcelle, du troupeau, du territoire, du système alimentaire
  • Valoriser les complémentarités entre différentes sources de savoirs, décloisonner les disciplines, hybrider les connaissances scientifiques et les savoirs locaux
  • Innover en s’appuyant sur de nouvelles démarches (conception de systèmes alimentaires au niveau des territoires),
  • Renouveler les critères de performance en lien avec la transition agroécologique

Intervention de Jean Simonneaux : Didactique et transition agroécologique: questions, enjeux, obstacles et pistes

Des pistes pour l’enseignement de la Transition AgroEcologique :

La pédagogie de l’enquête :
•Favoriserles expériences vécues pour les apprenants, prendre position, s’engager
•Des situations authentiques (études de cas réel et non pas une reconstruction scolaire de la question…) (diagnostic in situ)
•Des dispositifs coopératifs : débats, rencontres d’acteurs…•Penser le(s) futur(s)
•Approche systémique, multiscalaire (parcelle/exploitation/filière/territoire, local / global, de la fourche à fourchette, fromthe cradle to the grave,…)
•Une pédagogie du projet et de l’émancipation,•Approche interdisciplinaire / transdisciplinaire

Scénariser le(s) futur(s) :
•Passer de la rétro-cognition (les œuvres du passé) à la pro-cognition (résoudre des questions d’aujourd’hui) (Ladage, Chevallard…)
•Penser le(s) futur(s) possibles, probables, souhaités (Vergnolle Mainar & al, …), simuler
•Des dispositifs coopératifs : débat, rencontres d’acteurs…
•Des situations authentiques (études de cas réel et non pas une reconstruction scolaire de la question…)
•Prendre position, s’engager
•L’imaginaire comme valeur heuristique pour dépasser l’angoisse de l’incertitude (Nédelec& Molinatti) : science-fiction, …

Développer la pensée éthique ou l’enquête éthique et une pensée critique (Panissal, Lipp…) :
•Capacité à mettre en doute et à se déstabiliser, •Se construire sa propre opinion éclairée à partir de :
•La pensée critique : doute réfléchi qui conduit à la mobilisation d’habiletés et d’attitudes intellectuelles complexes en lien avec l’évaluation des situations à réaliser.
•La pensée créative, innovante : recrute l’imagination, l’originalité, des capacités de transfert, de l’indépendance et la capacité à se détacher du contexte.
•La pensée attentive (caring thinking), permet de penser la relation entre les individus, (contexte, émotions, l’altérité, la sollicitude – terme anglais care- dans l’activité de raisonnement).
•Mener l’enquête : quels protagonistes sont acteurs de la situation ? quels intérêts particuliers, collectifs ou généraux ?
•Rédiger des recommandations, Des pistes pour l’enseignement de la TAEPanissal, N. (2014). Le débat sur des QSV : un outil pour une éducation post-moderne.

Eduquer aux incertitudes (Nedelec, Simonneaux, & Molinatti, 2017):
•Identifier les différentes formes d’incertitudes :
•l’incertitude épistémique (portant sur le statut des savoirs en jeu),
•l’incertitude des effets (quant aux conséquences des technosciences),
•l’incertitude des réponses possibles (quant aux décisions à prendre face à ces effets)
•l’incertitude des acteurs prenant position dans l’arène social de la controverse (quant à leur place, leur responsabilité et leur légitimité dans cet espace).
•L’incertitude n’est pas réductible à l’ignorance ou à une boîte noire
•Questionner le couple risques / incertitudes
•L’imaginaire comme valeur heuristique pour dépasser l’angoisse de l’incertitude (Nédelec& Molinatti) : science-fiction, ..

S’appuyer sur des objets intermédiaires porteurs d’enjeux agroécologiques(Cancian & Simonneaux) :
•Pour explorer les innovations (Meynard),•Pour mettre en résonnance des discours d’acteurs (agriculteurs, consommateurs, écologistes, industriels…),
•Pour mettre en résonnance des espaces éducatifs (classe, exploitation EPL, lieux de stage..),
•Pour mettre en résonnance des situations (grandes exploitations / peri-urbain, plaine / piémont, filière localisée / industrielle…) exemples d’objets intermédiaires : maïs population, cultures associées, bien-être animal, eau, haie, agroforesterie, … prairies, abeilles

•Favoriser des (nouveaux) modes de représentations graphiques (mapping) :
•Cartes de controverses,
•Cartes cognitives,
•Cartes mentales… pour favoriser une vision dynamique, systémique, transdisciplinaire
•… et usage du numérique

 

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