L’homme est naturellement omnivore. Ce qui suppose de n’éliminer ni les aliments végétaux ni les aliments animaux de l’alimentation, mais surtout d’avoir recours aux deux, non seulement parce qu’ils ont des compositions différentes, mais aussi parce que la biodisponibilité et l’efficacité biologique des produits animaux sont souvent supérieures. Pourtant depuis quelques années, un nouveau paradigme monte en puissance : s’appuyant sur des arguments éthiques (le bien-être animal), nutritionnels et de santé (la viande cancérigène), d’écologie et de mode (végétariens, végans), la viande et les produits animaux sont délaissés par une partie de la population au profit d’autres sources alimentaires. D’où la question : peut-on se passer des produits animaux ?
1.26 : Marie-Pierre Ellies-Oury : Quels sont les principaux intérêts nutritionnels des produits animaux ? et quels sont leurs effets sur la santé ?
1.44 : Commençons par remettre en question cette idée : L’homme est omnivore, est-ce que c’est vrai ?
On entend des attaques sur les aliments et ce n’est pas nouveau. Il y en a toujours eu, il y en aura encore. L’homme se cherche et pourtant il a des racines physiologiques et anthropologiques qui sont indéracinables à savoir qu’il est fait pour manger de tout. Il n’est pas carnivore mais il mange de la viande, il n’est pas herbivore mais il mange des produits végétaux, de la salade. Il est fondamentalement omnivore.
2.28 : Le fait qu’il soit omnivore est un avantage évolutif absolument considérable parce que ça lui permet de faire face à toutes sortes de situations avec une capacité d’adaptation qui est très très importante.
2.49 : Cet omnivorisme est le garant de non seulement la qualité de son alimentation mais aussi la sécurité alimentaire. Vous comprenez bien que si vous mangez toujours la même chose et qu’il y a un petit problème de contaminants ou autre, le risque en terme de sécurité est majeur.
3.20 : Il y a un bénéfice nutritionnel lié à la variété. Nous sommes réellement fabriqués pour être omnivores et notre physiologie et notre anatomie est celle d’un omnivore. Et à côté de ce bénéfice nutritionnel il y a un bénéfice sécurité.
3.48 : On ne peut pas remettre en question la nature omnivore de l’Homme.
4.00 : Atouts et caractéristiques des produits animaux
Il y a trois axiomes importants en nutrition :
– pas de mauvais aliments – s’il est mauvais ce n’est pas un aliment, c’est un poison ou un produit pourri ;
– pas d’aliment parfait – et donc il faut absolument aller vers la diversité, seuls les excès sont nocifs ;
– pas d’aliment indispensable – Il pourrait s’agir de provocation mais il est vrai qu’aucun aliment n’est indispensable (poireau, pomme de terre, viande, …). Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas indispensables qu’ils ne sont pas utiles. Ce qui est indispensable ce sont les nutriments, les protéines. Et pour manger des protéines c’est beaucoup plus facile de manger un peu de viande d’autant qu’elle va nous apporter du fer, du zinc et des vitamines B. Le fait de dire qu’aucun aliment n’est indispensable veut dire qu’on peut parvenir tout de même qu’on peut arriver à satisfaire nos besoins nutritionnels de plusieurs façons. La meilleure façon est celle de la diversité. De loin c’est la meilleure façon.
6.10 : Si on reprend les caractéristiques des produits animaux ce ne sont pas des aliments parfaits, ce ne sont pas des aliments indispensables mais ils sont extrêmement utiles. Chacun de nous n’est pas indispensable mais utile.
6.35 : La viande est riche en protéines de très bonne qualité. Elle contient des lipides assez variés même s’ils ne sont pas tous représentés dans des proportions idéales mais ce n’est pas grave. Elle contient des vitamines, des minéraux, des oligoéléments (zinc, fer), des vitamines du groupe B. Voilà pour la viande. Mais il n’y a pas que la viande des produits animaux. Il y a aussi les produits laitiers.
7.30 : Les produits laitiers c’est un monde absolument fantastique. Ce sont les aliments les plus complexes. On pourrait presque dire les plus complets mais ils ne sont pas parfaits. Eux-mêmes ont une diversité car il ne faut pas oublier que quand on a parle d’omnivorisme ça ne veut pas dire uniquement manger de la viande et des céréales et des lentilles c’est manger des viandes variées. Pour les produits laitiers, il s’agit de manger des produits laitiers variés. Entre le lait, le fromage et les yaourts il y a des différences. Les produits laitiers sont assez remarquables car constitués de protéines, lipides et des glucides (lactose) et pour les produits laitiers fermentés des probiotiques qui sont extrêmement intéressants. Des vitamines, des minéraux également, spécifiques (calcium, zinc, iode, sélénium). Les produits laitiers sont très très utiles. Le poisson a des caractéristiques proches de la viande pour les protéines ; différentes de la viande pour les acides gras ; et un peu différente de la viande pour certains nutriments (teneurs très élevés en iode que l’on retrouve également dans les produits laitiers).
9.20 : Les œufs sont des aliments formidables, on ne peut plus vivants puisque c’est le début de la vie. Ce sont des aliments qui ont beaucoup de qualités. Ils sont d’ailleurs très appréciés. Les français boudent peu les œufs.
9.55 : Les produits animaux sont parfaitement complémentaires des produits végétaux. Parce que contiennent les produits animaux, on ne le trouve pas à l’identique dans les produits végétaux et vice versa. Il n’y a pas de fibres dans les produits animaux par exemple. Donc ils sont parfaitement complémentaires.
10.25 : On ne va pas interdire quoique ce soit à personne en matière d’alimentation. Il faut surtout ne rien interdire sauf si on a de bonnes raisons. Mais la complémentarité est essentielle. Si on veut faire compliqué, c’est le choix de chacun… Mais il vaut mieux faire simple quand on peut faire simple. Simple c’est effectivement varié.
11.00 : Marie-Pierre ELLIES : On a bien compris que les produits animaux n’induisaient d’effets négatifs pour la santé tout du moins si leur consommation est convenable et raisonnable (pas excessive) par contre comme tout aliment en excès ils peuvent avoir des effets indésirables. Est-ce que l’on peut revenir sur les inconvénients des excès de consommation de produits animaux ?
11.35 : Le lien entre alimentation et santé est très fort. Il faut être attentif à ne pas le dramatiser. Le premier risque en matière d’alimentation c’est tout de même de ne pas manger assez. Il ne faut pas l’oublier. Pauvreté, malnutrition, c’est une forme d’excès aussi. Attention à ne pas générer une angoisse démesurée d’autant que les risques décrits sont statistiquement sont réels mais il faut les remettre dans un contexte.
12.29 : Le point essentiel concerne la viande dont l’excès (on verra à partir de quand on parle d’excès) est associé à une petite augmentation de risque de cancer notamment du cancer du colon. Je n’hésite pas à dire petite parce que le risque est d’environ de 18% de plus de risque de cancer du colon pour les gens qui consommeraient plus de 100 grammes de viande par jour. Plus de 100 grammes de viande rouge par jour c’est 2 fois plus que ce que les français font puisqu’on est aux alentours de 50 grammes de viande de boucherie par jour. Ce risque ne correspond qu’à une probabilité. Pour vous donner une idée, le risque d’avoir un cancer du colon pour une personne quelconque est aux alentours de 4% approximativement. Donc cela signifie que le risque de cancer du colon est estimé à 18% de 4%.
13.45 : Deuxièmement cette estimation concerne la viande rouge et qui doit être nuancée par le fait que toutes les études montrent que le style alimentaire joue un rôle très très important. Si par exemple vous mangez des fruits, des légumes globalement en même temps ; si vous mangez des produits laitiers fermentés en même temps, si vous avez des apports plus élevés en calcium, vitamine E par exemple, vous effondrez ce risque. Il finit par être extrêmement faible. Il y a bien évidemment des facteurs génétiques.
14.25 : La façon de préparer les aliments est aussi très important. Le risque est accru si vous faites griller la viande en plus si vous la faites griller au barbecue. ça ne veut pas dire que vous ne devez jamais faire de barbecue. ça veut dire que vous ne devez pas en faire tous les jours.
14.48 : Tout cela est donc à mettre dans un contexte pour bien comprendre que la viande n’est pas dangereuse. C’est l’excès de consommation de viande qui, dans certaines conditions, augmente un risque qui est faible et qui devient un petit peu plus important et atténué ensuite.
15.08 : On a parlé de caractère cancérogène cela mérite une explication méthodologique. Il y a un organisme international qui s’appelle le CIRC qui définit s’il y a des éléments explicatifs probants pour qu’un évènement ou un facteur soit considéré comme cancérogène (exemples : l’eau très chaude est cancérogène ; le soleil est cancérogène ; le travail de nuit est cancérogène). Cela veut dire qu’il y a des mécanismes qu’on connait. ça ne veut pas dire qu’on a interdit le travail de nuit ou le soleil. C’est ce que dit le CIRC, c’est un mécanisme. Après il y a des agences : est-ce qu’il y a un risque ?
16.08 : La différence entre un risque et un danger. Par exemple : si vous prenez un avion et qu’il s’écrase, vous avez toutes les chances de mourir. Mais prendre l’avion entraine un très très très faible risque de mourir car il y a très peu d’accidents d’avion. Donc le risque est très très faible. Mais le danger est très fort. Pour la viande rouge c’est pareil. Le danger existe mais le risque est faible surtout si vous avez une alimentation qui est équilibrée. ça c’est pour la viande rouge. Pour la viande blanche, c’est beaucoup plus faible mais ça n’est pas nul de même que pour le poisson, c’est pareil notamment quand on le fait griller. Le mode de cuisson joue beaucoup.
16.56 : Sur les maladies cardiovasculaires, on est aussi avec une augmentation du risque si on consomme beaucoup de viande et notamment de viande rouge. Il en est de même pour le diabète de type 2. Là aussi il faut bien comprendre que c’est établi sur des bases épidémiologiques pour des consommations importantes et très souvent dans le cadre de styles alimentaires monotones. Exemple : tous les jours vous mangez des steaks frites aux deux repas. Là c’est pas très bon. Mais c’est du bon sens.
17.44 : Donc ça ne veut pas dire que manger de la viande est dangereux en soi. Au contraire, ça fait partie d’une bonne alimentation parce qu’elle aura d’autres atouts qu’on verra plus tard.
18.00 : Pour les produits laitiers, le risque est surtout de ne pas en manger assez. Le risque d’excès est faible. Mais tout excès est mauvais car il réduit la diversité alimentaire et donc vous n’êtes plus un bon omnivore. Les produits laitiers diminuent le risque de cancers du colon de façon très nette, diminuent les risques de diabète de type 2 de façon très nette et n’augmentent pas le risque cardiovasculaire voire le diminuent. Donc on voit très bien que dès lors que vous avez une alimentation qui comprend raisonnablement un peu des deux tout va bien. Pour résumer : une bonne alimentation c’est manger un peu de tout.
19.20 : Marie-Pierre Ellies-Oury : On vient de voir que la viande est importante pour un repas équilibré pour son apport en protéines, en acides aminés essentiels, en fer, en zinc, en vitamines D notamment. Parlons maintenant de quantité de viandes préconisée pour arriver à cet équilibre ? Que peut-on conseiller aux consommateurs pour répondre à leurs attentes d’une alimentation nutritionnellement adéquate, saine et sûre ?
20.08 : Il n’y pas de recommandations officielles des nutritionnistes sur les aliments, il y a des recommandations officielles sur les nutriments. On sait qu’il faut à peu prés 1 gramme par kilogramme de poids et par jour de protéine. Donc ça fait à peu prés entre 60 et 80 grammes. Maintenant il est évident que si on ne mangeait que de la viande pour satisfaire nos besoins en protéines ça n’irait pas puisque la viande contient à peu prés 20% de protéines ce qui veut dire qu’il faudrait manger au moins 300 grammes de viande par jour ce qui n’est pas très raisonnable.
20.50 : Comment faire ? Il faut d’abord tenir compte des limites à ne pas dépasser puisqu’on a dit que 500 grammes de viande rouge par semaine c’est le maximum à ne pas dépasser. On en est très loin. Ces 500 grammes correspondent au fait qu’à partir de 100 grammes de viande rouge par jour on commence à avoir le risque de cancer évoqué plus haut. Cela veut dire qu’en dessous de 100 grammes on ne voit rien sur le plan statistique. Donc dire « le moins possible » n’a pas de sens.
21.55 : On pourrait donc prendre 70 grammes de viande rouge par jour. Ce qui n’est pas beaucoup mais ça veut dire simplement qu’on ne va pas en manger tous les jours.
22.20 : Concernant les recommandations :
– la viande rouge : 2-4 fois par semaine par exemple ;
– la viande blanche de volaille et de lapin (il n’y a pas de recommandations précises mais ce qui va nous orienter c’est la variété dans les sources de protéines) 2-3 fois par semaine par exemple ;
– la charcuterie ne pose pas de problème sauf si on la consomme en excès (+50 grammes par jour). Donc on pourrait consommer par exemple de la charcuterie 2 fois par semaine par exemple ;
– le poisson, ce serait bien au moins 1 fois par semaine si possible 2 fois en privilégiant les poissons gras ;
– il n’y a pas de limite à la consommation d’œufs. Des études montrent que 7 œufs par semaine c’est bien ;
– les produits laitiers : 2-3 voire 4 produits laitiers par jour chez l’adolescent, la femme enceinte et les personnes âgées.
Les repas sans viande ce n’est pas grave.
24.55 : Si vous souhaitez absolument avoir de la viande à tous les repas, il existe une autre façon de faire. Ce sera la viande condiment à la chinoise comme autrefois. Il ne faut pas avoir des œillères en disant qu’il faut que tout le monde mange pareil. On a droit à la diversité. Donc soit on en mange des petites quantité à tous les repas, soit on reste dans la tradition culinaire française avec les rythmes évoqués.
25.40 : Ce qui est important aussi pour l’équilibre alimentaire c’est de ne pas manger la viande seule mais avec des légumes, des céréales, …
25.50 : Marie-Pierre Ellies-Oury : Quelles sont les conséquences de la suppression totale des produits carnés ?
La tendance végétarienne est intéressante.
Il existe deux situations qu’il faut distinguer :
– la suppression des produits carnés pour l’alimentation végétarienne (habituellement un végétarien est ovo-lacto-végétarien) ;
– l’alimentation végétalienne.
Il n’y a pas de problème à se passer de la viande comme je l’ai dit tout à l’heure ceci dit quand on regarde l’alimentation et la santé des végétariens tout n’est pas parfait. Ils peuvent avoir un risque de déficit en fer, en zinc, en iode, en calcium, en omega3, vitamine B12.
28.10 : Sur le plan de la santé, il y a des avantages à l’alimentation végétarienne : moins de maladie cardiovasculaire, probablement moins de diabète (encore que cette maladie est due à l’excès de viande) et il y a un risque au niveau osseux qui est important.
28.37 : Donc la bonne façon de faire n’est pas de supprimer la viande mais d’incorporer des repas végétariens de temps en temps. Ce qu’on appelle aujourd’hui « flexitarien » et ce que j’appelle « flexicarnivore » et donc omnivore. Il n’ y a pas de bénéfices sur les cancers pour les végétariens. Les études ne sont pas claires là dessus.
29.30 : Chez les végétaliens (ne consomment pas de produits animaux tels que viandes, lait, oeuf,…), c’est anti-physiologique, anti-naturel mais on va respecter les choix des gens. On ne va pas leur imposer de ne pas l’être de même qu’ils n’ont pas à imposer de supprimer la viande, c’est pareil. Ils suppriment donc la viande, les produits laitiers, les oeufs. Les véganes suppriment le miel et d’autres choses produites par les animaux. Donc les déficits listés plus haut sont plus présents (fer, zinc, calcium, iode, omega3) mais surtout un risque majeur de carence en vitamine B12.
30.30 : Les pratiques végétaliennes ont des conséquences et les études sont très claires. Il y a un risque très augmenté d’ostéoporose et de fractures osseuses (+44%). Il y a un risque de sous-nutrition éventuellement notamment chez les gens âgés et les enfants (retards de croissance staturo-pondérale). Ce n’est pas absolument toujours certain parce qu’on peut réussir à consommer suffisamment de protéines en étant végétarien et végétalien mais c’est plus compliqué. Pour la vitamine B12, il y a des conséquences neuro-psychiques et cognitives très importantes chez l’enfant avec un déficit d’acquisition intellectuelle ; chez les adultes des troubles cognitifs, dépressifs, des altérations de la structure cérébrale. La vitamine B12 n’est que d’origine animale. Donc les végétaliens doivent absolument se supplémenter avec des compléments alimentaires. Cela montre bien que c’est une alimentation non-naturelle puisqu’il faut aller en pharmacie. Donc les extrêmes ne sont jamais bons.
32.35 : Marie-Pierre Ellies-Oury : Les avantages d’une alimentation végétarienne et végétalienne par rapport à une alimentation plus flexi-carnivore ?
L’alimentation végétalienne présente des inconvénients majeurs. En revanche il faut s’inspirer de l’alimentation végétarienne car elle réhabilite une plus grande place de végétaux dans l’alimentation. Tous les nutritionnistes disent qu’une bonne alimentation n’est pas à base de viande mais c’est une alimentation avec de la viande et des produits végétaux ou avec d’autres sources de protéines animales et de végétaux. Il ne s’agit pas de défendre la viande mais de défendre la nutrition. Je n’ai pas d’intérêt à défendre la viande : je n’ai pas d’intérêt, je ne suis pas éleveur ni professionnel de la viande. Il faut donc défendre la nutrition. Donc si on augmente la part des végétaux dans son alimentation c’est très bien.
34.02 : L’alimentation occidentale est souvent décriée or c’est la mauvaise alimentation occidentale qui pose problème. C’est l’alimentation à l’américaine avec des produits ultra-transformés, avec une consommation excessive de produits carnés ou animaux ou transformés. En revanche l’alimentation raisonnable à la française ou à la méditerranéenne où on met plus de légumes, plus de fruits, plus de céréales complètes, plus de légumes secs, c’est parfait ! Saucisse lentilles, c’est parfait si on n’en mange pas tous les jours. D’ailleurs si on met des lentilles ça permet de manger un peu moins de saucisses.
34.58 : Donc s’inspirer de ce que nous apporte l’alimentation végétarienne sur la nutrition et notamment par exemple sur le microbiote où les produits végétaux sont très utiles et pour l’équilibre alimentaire et la santé en générale. Soit en introduisant des repas végétariens de temps en temps : 2-3 fois par semaine. Soit, et c’est plus simple mais on peut combiner les deux approches, en mettant plus de produits végétaux dans une alimentation diversifiée qui comprend des produits animaux.
35.32 : J’insisterai, notamment pour l’alimentation végétarienne sur le fait de ne pas oublier les produits laitiers, les œufs qui sont vraiment des garants importants de qualité alimentaire.
35.56 : L’élevage est une très bonne façon de défendre la biodiversité. Parce que, sauf pour des élevages concentrationnaires comme il n’en existe pas en France, c’est une très bonne façon de défendre la biodiversité et l’écologie. Il y a une complémentarité entre la culture et l’élevage. Concernant le bien être animal, il est pris en compte dans la quasi totalité des élevages français. Car il n’est pas du tout dans l’intérêt des éleveurs d’avoir des animaux en mauvais état. Il faut remettre les pendules à l’heure.
37.20 : En quoi notre alimentation va jouer sur la santé humaine ?
C’est très important de bien comprendre le lien entre alimentation et santé. C’est quelque chose qui se joue sur toute la vie. Ce ne se joue pas sur un repas. Cela se joue sur la continuité en interaction avec d’autres facteurs. Tout ne dépend pas que de nous. Il y a aussi des facteurs extérieurs qu’on ne maitrise pas. Il y a des facteurs génétiques, des accidents, des différences entre les individus. On n’est pas égaux. Il faut faire attention à ne pas résumer l’homme à une équation. On a tous en tête des gens qui se nourrissent très bien et qui ont des pépins de santé et des gens qui se nourrissent mal et qui vont tout de même bien. En faisant attention à son alimentation on met plus de chances de son côté. Elle est toujours en interactions avec d’autres éléments du mode de vie en particulier l’activité physique. Vous pouvez très bien manger mais si vous êtes sédentaires sur votre fauteuil ça ira très mal.
38.57 : On ne peux pas tout résumer à l’assiette.
Le plus important avant tout est de ne pas avoir d’alimentation monotone.
Deuxièmement la pauvreté est élément majeur. Il y a beaucoup de personnes qui n’ont pas d’argent pour s’offrir des produits de qualité.
39.50 : Les quantités c’est toujours de rester raisonnable sur les proportions.
Pour une bonne assiette par exemple :
– la moitié sous forme de légumes/fruits ;
– 1/4 de protéines (poisson ou viande ou oeuf) ;
– 1/4 de féculents.
Vous rajouterez le produit laitier, l’eau et les matières grasses.
40.35 : Sur la qualité : il est préférable de consommer des aliments pas trop transformés, donc de préférence des aliments bruts à cuisiner. Parmi les aliments bruts il y a la viande, le poisson, les œufs, le lait, le beurre. Il faut conserver ces aliments pour qu’ils soient au mieux de leur forme. Autrement dit il ne faut pas les appauvrir par affinage excessif ni les matraquer par des cuissons inappropriées. La cuisson c’est très important. Par exemple pour la viande il est important d’avoir des cuissons variées pas trop souvent grillées. Plutôt bouillies, mijotées car il y a des avantages à ça.
41.54 : Donc voici quelques repères : qualité, quantité, variété, activité physique. Si vous voulez savoir si vous mangez trop ou suffisamment, regardez votre poids sur la durée. Si votre poids est stable ça veut dire que les quantités que vous consommez sont parfaites. Le corps le fait tout seul. Si vous prenez du poids tous les ans ça veut dire que vous mangez un peu de trop. Cela dit on peut avoir un poids stable et une mauvaise alimentation. Et vous avez des gens en excès de poids qui ont une très bonne alimentation. Donc vous voyez qu’il ne faut pas être trop trop schématique dans votre façon de voir les choses.
Interview réalisée le 29/04/2021
Intervieweuse : Marie-Pierre Ellies-Oury,
Ingénieur Agronome – Docteur en Sciences Animales, Maitre de Conférences HDR en Sciences Animales à Bordeaux Sciences Agro,
Université Clermont Auvergne, INRAE, VetAgroSup, UMR Herbirores.
Interviewé : Jean-Michel Lecerf
Docteur en médecine, Spécialiste en endocrinologie et maladie métaboliques.
Praticien au CHRU de Lille.
Chef du Service Nutrition & Activité Physique à l’Institut Pasteur de Lille
Membre de l’Académie d’Agriculture de France
Expert auprès de l’ANSES et de la HAS