Les analogues végétaux de viande et de produits laitiers : comparaison sur quelques indicateurs nutritionnels

Interview de Philippe Cayot, spécialiste de la formulation des aliments, intervient sur la comparaison entre produits végétaux et animaux (apports protéiques, teneur en fer, digestibilité, fibres).

Marie-Pierre Ellies-Oury : En grandes et en moyennes surfaces depuis plusieurs années, on voit apparaitre des produits végétaux qui semblent vouloir remplacer les produits à base de viande animale. Les consommateurs les nomment d’ailleurs steaks végétaux et ce n’est pas un terme que vous avez choisi de reprendre dans votre chapitre 3. Pour quelle raison vous n’avez pas employé cette démonination-là ?

0.47 : Exemple avec un succédané ou analogue de viande

1.38 : En théorie on ne devrait pas appeler ça un steak puisqu’il n’y a pas de viande au point même que les fabricants précisent sur l’emballage « sans viande ».

1.50 : On a une grande famille de produits « analogues de viande ».

Les analogues traditionnels remplacent ou fromage ou viande.

3.42 : Le terme « steak végétal » est inapproprié. On ne devrait pas appeler ça des steaks.
> Confusion si bien que ça ne permet pas non plus à ces nouveaux aliments de se construire leurs propres places et leurs propres marchés.
Tout le monde aurait intérêt à éviter la confusion. Les produits végétaux doivent s’inventer un nom probablement.

4.15 : Marie-Pierre Ellies-Oury : Si on en revient aux légumineuses, elles sont souvent présentées comme source de fer. Certaines jeunes femmes ne veulent pas consommer de la viande. Est-ce que les légumineuses seraient pour elles une solution naturelle pour arriver à satisfaire leurs besoins en fer ?  Et d’une façon générale, est-ce qu’il existe des différences marquantes, sur un plan nutritionnel, entre les analogues de viandes et les aliments d’origine végétale ?

4.54 : On pense pas assez à l’importance du fer. On pense souvent protéines, lipides, glucides mais pas souvent en fer. C’est une des problématiques majeures dans le monde : la malnutrition protéique et la carence en fer. Cela touche en particulier les populations féminines même si certains hommes sont aussi concernés par cela.

5.21 : Si on prend en compte simplement la teneur en fer.

En rouge : les produits animaux ; En vert : les produits végétaux.

On voit très vite que les teneurs en fer sont plus faibles dans les produits végétaux.

7.03 : Non seulement les végétaux sont très peu riches en fer mais le fer est très peu disponible dans les végétaux. Il l’est beaucoup plus dans les produits animaux.

Très très peu de fer assimilé dans les pois chiches par exemple comparé aux blancs ou foies de volaille par exemple. Pour faire augmenter le taux de fer assimilé, il faut leur faire des préparations complexes notamment à base de citron.

8.48 : Marie-Pierre Ellies-Oury : Est-ce que ces analogues de viande peuvent définitivement remplacer la viande ? Est-ce que ces analogues de viande sont des sources de protéines équivalentes à celles des viandes ?

9.33 La notion de « prêt à consommer » est très importante pour bâtir des comparaisons comme on le verra par la suite.

11.20 Si on compare boulettes de seitan et jambon de volaille, on pourrait se dire que c’est pratiquement équivalent or il faut passer à l’analyse qualitative pour bien comprendre car les protéines ne se valent pas. Souvent on pense que les légumineuses sont riches en protéines car, notamment sur les réseaux sociaux, on vous donne les teneurs en protéines de produits secs or on ne les consomme que cuits. Et là les teneurs changent considérablement.

11.43 Mesures des protéines des légumineuses crues et cuites.

Il faut raisonner en « aliments prêts à consommer ».

En conclusion : non seulement les protéines sont beaucoup moins présentes dans les végétaux mais leur taux se réduit encore après cuisson.

12.44 : Comment définit-on la qualité nutritionnelle d’une protéine ?

La question est d’abord de savoir ce que ces protéines apportent en acides animés essentiels. Seuls certains acides animés sont intéressants pour l’Homme d’un point de vue nutritionnel car les autres, le corps humain ne sait pas les synthétiser.

13.16 : Il faut aussi tenir compte de la digestibilité. La FAO a défini un critère absolu de qualité nutritionnelle d’une protéine (DIAAS : Digestible Indispensable Amino Acid Score ; en français : le score en acides aminés essentiels corrigé par la digestibilité au niveau de l’Iléon, avant le colon). Pourquoi cette mesure avant le colon ? Car on enlève toute l’assimilation au niveau des acides aminés par les bactéries du colon ce qui évite de surestimer les valeurs des protéines.

14.13 : Quelques analyses

On voit que chez les végétaux, on est au dessous de 100. Autrement dit ils n’apportent pas suffisamment d’acide aminés pour leur assimilation optimale.

Malheureusement on ne trouve pas le DIAAS sur les aliments modernes. C’est une analyse très difficile car il faut arriver à sonder au niveau de l’iléon pour récupérer des données.

16.40 : Quelles comparaisons entre analogues, viande in-vitro et insectes en matière de réalisme de production et de valeurs nutritionnelles ?

La critique faite sur les protéines animales c’est que le rendement de conversion protéique est très faible chez les animaux. Par exemple : quand vous donnez 100 kg de protéines végétales à un bœuf il ne produit que 6 kg de viande et 15-18 kg de protéines de lait. On est tenté de dire qu’on perd beaucoup de protéines végétales qu’on aurait pu mettre directement à disposition de l’homme. Mais raisonner comme cela ne prend en compte qu’une partie du système global (cf. : intervention de Jean-Louis Peyraut au chapitre 7 : l’élevage détruit-il la planète ?).

17.38 : Concernant les insectes, ils ont un rendement de conversion de 50%. Autrement dit vous leur donnez 100 kg de protéines végétales et ils le transforment en 50 kg de protéines animales. Il semblerait que la qualité des protéines animales soient relativement bonnes.

18.06 : Exemple en Amérique du Sud, on mange des vers de terre avec un rendement de conversion protéique de 35% ce qui est énorme et avec des qualités nutritionnelles très bonnes. Le problème c’est l’appétence du produit.  Un des problèmes avec les insectes reste l’image de l’insecte rejetée par la population. Il est très difficile de faire changer les habitudes alimentaires (néophobie).

18.55 : Industriellement la production d’insectes en nombre est réalisable sans problème mais le faire accepter à des hommes est beaucoup plus compliqué. Et les insectes sont souvent porteurs de bactéries et de virus et ce sont des choses à vraiment contrôler.

19.27 : Pour toutes ces raisons, la consommation d’insectes dans les pays occidentaux sera vraisemblablement mesurée dans les années à venir contrairement à l’Afrique et à l’Asie. Autre point important : les allergies. Ces insectes appartiennent à la série des arthropodes. Des articles scientifiques montrent que les gens qui sont allergiques aux crustacés et aux mollusques le seront aussi des insectes.

20.22 : Pour ce qui est la viande de culture, on n’aura pas la texture fibreuse et la complexité de la viande animale. Il y aurait également des problèmes de coûts énergétiques et de changement d’échelle industrielle.

21.35 : Qu’en est-il des fibres dans les analogues végétaux ?

On voit bien que dans les légumineuses, on a 25% de protéines et le reste c’est de l’amidon et ce sont des fibres. Or si vous regardez les formulations des emballages, on ne vous met pas graines de soja, on vous met protéine de soja. En fait on a isolé souvent par des traitements de précipitation à l’eau ou de centrifugation (par exemple pour les farines) et on obtient des isolats protéiques ou des concentrés protéiques et en fait on a très peu ou pas de fibres résiduelles. De fait, s’il n’y a pas d’ajout supplémentaire, il n’y a pas de fibres à la composition.

23.32 : Quels seraient les grands principes pour aider chacun à définir son modèle alimentaire personnel ?

Aux Etats-Unis on étiquette parfois les aliments de supers-foods. En réalité il n’y a pas de supers-aliments. Tout est bon et tout est mauvais. La nutrition la plus intéressante est la nutrition variée. La plus variée possible. Idéalement on ne devrait pas manger la même chose d’un repas à l’autre. On devrait manger un jour de la viande de bœuf, un autre de la volaille, un autre de l’œuf, un autre pommes de terre fromage. Il faudrait associer des légumes et des fruits frais de préférence. Une alimentation idéale en un slogan : « manger de tout raisonnablement ». Si vous faites des marathons, vous aurez des besoins caloriques importants. Si vous faites du travail  derrière votre ordinateur et que vous ne bougez pas beaucoup, il faut adapter votre apport en quantité d’aliments de façon raisonnable. En revanche il faut varier, varier, varier. Il y a aussi un facteur important : la dimension psychologique. Si vous répartissez 1000 calories sur un plat ou sur 7-8 plats, dans le premier cas beaucoup de personnes ne se sentiront pas rassasiées,  dans l’autre elles auront du mal à finir.

25.34 : Mangeons varié et n’éliminons pas la viande qui a un apport en fer très très intéressante car on a une acidification du fer très efficace. Je n’ai pas dit qu’il fallait en manger tous les jours, je n’ai pas dit qu’il fallait en manger à tous les repas, j’ai dit qu’il fallait en manger de temps en temps. Et autant manger de la très bonne viande.

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