La qualité des produits animaux : une évolution constante des perceptions et des attentes au cours des âges

Eric Birlouez propose une exploration historique internationale de la perception de la qualité. Comment avons-nous eu l'intuition de la qualité pour préserver notre santé ? Comment avons-nous pu dépasser nos craintes néophobes, ... ?

00.00.48 : Est-ce que les hommes ne se sont attachés à la qualité des aliments qu’une fois la dimension quantitative satisfaite ?

Évidemment, on a tendance à penser que ce ne serait qu’une fois les besoins alimentaires quantitatifs satisfaits que les hommes se sont intéressés à leur qualité.

Ce n’est pas exactement comme cela que les choses se sont passées. Depuis les origines de l’humanité et jusqu’à une période très récente, la première peur, la plus intense, était évidemment une peur portant sur la quantité de nourriture : l’angoisse, la hantise de manquer. Il a fallu attendre le début, et même la moitié du XIXe siècle pour qu’enfin, l’Europe et l’Amérique du Nord, sortent de l’insécurité alimentaire et que l’on commence à se préoccuper de la qualité. On verra dans la suite de l’exposé que cette préoccupation qualitative était en réalité déjà bien présente, mais la première préoccupation était de nature quantitative.

00.02.37 : L’image représente la dernière grande famine que l’on a connue en Europe occidentale : c’était la famine de la pomme de terre en Irlande de 1845 à 1852. Avec un terrible bilan : 1 million d’Irlandais sont morts de faim et 1 autre million a été contraint d’émigrer, notamment vers les USA.

00.03.11 : En Europe du Nord, depuis environ 150 ans, le spectre de la famine est donc écarté. Aujourd’hui, la nourriture est accessible pour presque tous : 90% des humains peuvent manger à leur faim. Cela ne veut pas dire qu’ils ont une nourriture qualitativement satisfaisante mais en tout cas ils disposent de suffisamment de calories pour avoir une activité physique et une vie « normales » mais pas forcément une bonne santé.

00.04.05 :

En 2019, il y a encore 2 milliards d’individus qui sont dans une situation d’insécurité alimentaire que la FAO qualifie de modérée ou de grave. Quand on parle d’insécurité alimentaire grave, il s’agit de personnes qui se lèvent le matin avec le ventre vide et qui ne mangeront pas à leur faim de toute la journée. On parle aussi de sous-nutrition chronique, permanente… et ça concernait encore 820 millions de personnes en 2019. Malheureusement, ce chiffre va augmenter à la suite de la Covid19.

00.05.00 : Malgré tout, il y a eu des progrès car il y aujourd’hui beaucoup moins de personnes en situation de précarité alimentaire et d’insécurité alimentaire extrême.

00.05.16 : Certes la recherche de la quantité a été la priorité mais malgré tout la qualité des aliments végétaux et animaux a toujours été une préoccupation, même en situation de pénurie. Par exemple, certaines personnes pourtant en situation d’insécurité alimentaire n’accepteront pas des aliments qui ne correspondent pas à leurs repères culturels, symboliques, religieux,…

00.06.12 : La qualité alimentaire n’est donc pas une exigence récente qui serait apparue une fois que les besoins quantitatifs auraient été complètement satisfaits. En fait, depuis les origines, il y a eu à la fois la peur de manquer (quantité) et l’attention portée à la qualité des aliments. La qualité alimentaire s’est surtout portée sur les produits animaux et ce, bien sûr, pour des questions de contamination possible mais aussi parce que les produits animaux sont souvent plus « chargés » que les produits végétaux en dimensions symboliques, sociales et culturelles.

00.08.00 : Presque toujours, les tabous alimentaires ont porté sur des produits animaux. Refus de manger de la viande de porc (islam et judaïsme), refus de manger de la viande de bœuf chez les hindous, abstinence de viande chez les chrétiens les jours maigres (le vendredi, pendant le carême, …). Dans d’autres cultures, ce seront des interdits sur le poisson par exemple. Ce sont surtout les produits animaux qui ont focalisé les inquiétudes qualitatives.

00.09.06 : Qu’est-ce que la néophobie instinctive de l’omnivore humain ?

Cela répond à une préoccupation qualitative face à l’aliment : est-ce qu’il ne va pas me rendre malade ? C’est donc cette idée de méfiance, de crainte face à ce qui est nouveau, qu’on ne connait pas.

00.09.53 : Nous, les humains, nous sommes des omnivores comme les rats, les souris, les cochons. Et lorsque nous sommes confrontés à un aliment que nous ne connaissons pas, qui ne nous est pas familier ou dont l’aspect est différent (odeur, texture, saveur), instinctivement il y a une méfiance.

00.10.25 : L’omnivore sait instinctivement que l’aliment nouveau est potentiellement un danger. On parle de néophobie : crainte par rapport à ce qui est nouveau.

00.10.45 : On parle d’invariant anthropologique à propos du paradoxe de l’omnivore.
Invariant : quelque chose qui ne change pas, qui a toujours existé, qui est universel
anthropologique : relatif à l’humain.

00.11.35 : Etre omnivore est à la fois une chance, une très grande capacité d’adaptation (on peut manger de tout) et une contrainte (on doit manger de tout).

 

00.14.56 : Comparaison entre la capacité d’adaptation de l’homme omnivore et du régime hyperspécialisé du koala.

00.15.38 : L’homme est attiré par la nouveauté alimentaire (Néophilie) et en même temps il craint la nouveauté (Néophobie). Ce tiraillement est source de malaise voire d’anxiété.

00.17.20 : Les peurs alimentaires que nous connaissons aujourd’hui avec les crises ne sont pas nouvelles. Depuis la nuit des temps, parce que l’homme est omnivore, il y a en permanence ce tiraillement inconscient mais anxiogène entre néophilie et néophobie. Ceci est vraiment lié à notre condition biologique d’omnivore.

00.17.48 : Lorsqu’on dit qu’on va faire de la communication pour lever les craintes du consommateur ce n’est, évidemment, pas inutile… mais je pense qu’on ne pourra pas rendre les individus 100% sereins vis-à-vis de leur alimentation. Car ne l’oublions pas, la néophobie est aussi un dispositif de protection permettant d’éviter d’ingérer un aliment parfois réellement dangereux.

00.18.25 : L’Homme est néanmoins contraint de surmonter cette néophobie pour ne pas mourir de faim ?

Il s’agit en effet pour l’Homme de diversifier au maximum son alimentation tout en essayant de réduire au maximum le risque.

 

Nous, omnivores, avons développé nos capacités à évaluer la qualité – sanitaire principalement – des aliments (est-ce que je peux le consommer sans risque ? est-ce qu’il va être suffisamment nourrissant ?)

Systèmes culinaires : cultures alimentaires.

Pour évaluer la qualité sanitaire d’un aliment, nos ancêtres mobilisaient leur appareil sensoriel. Ils l’observaient, le sentaient, puis en goûtaient un tout petit morceau… et attendaient de voir le résultat sur leur corps ou chez leurs congénères. Quand vous voyez qu’un poisson ne sent pas bon, qu’il a une texture un peu bizarre, vous l’évitez… Mais les indicateurs sensoriels ne sont pas infaillibles. Par exemple des personnes ayant mangé sans en mourir des amanites phalloïdes n’ont pas été alertées par le goût de ces champignons toxiques.

00.23.40 : Lorsqu’il y a des crises sanitaires comme celle du lait infantile, cela réactive nos craintes et peurs alimentaires archaïques.

00.23.56 : Les produits animaux étant à hauts risques sanitaires, comment les hommes faisaient-ils pour les conserver ?

00.24.16 : La conservation des produits animaux est un enjeu vital en termes de qualité sanitaire et nutritionnelle. Nos ancêtres ont imaginé des procédés de conservation. Et le plus ancien a été sans doute la cuisson.

 

00.24.52 : On a cuit certainement les aliments avant de domestiquer le feu. Lorsqu’il y avait le feu dans la savane, l’homme récupérait des braises et faisait cuire des aliments. Mais il a fallu attendre longtemps avant d’être en capacité de créer le feu à la demande (400 000 – 450 000 ans).

00.26.30 : On dit que la grande révolution a été l’agriculture – l’élevage. Ce n’est pas sûr car le feu et la cuisson ont, eux aussi, été très importants.

00.26.47 : Les aliments cuits sont plus faciles à mastiquer et à digérer. Leurs nutriments et leur énergie sont plus facilement assimilables que lorsqu’on les mange sous forme crue. Et on sait par ailleurs que la cuisson est une manière de rendre consommables certains aliments toxiques. La cuisson a donc permis d’élargir l’éventail de tout ce qui est comestible pour l’Homme.

00.28.26 : En chimie des aliments, on sait bien que lorsqu’on cuit des aliments qui contiennent des glucides et des protéines, il se produit des réactions chimiques dites « réactions de Maillard » qui créent de nouveaux arômes, de nouvelles saveurs. Cela nous fait entrer dans la cuisine et la gastronomie. Et n’oublions pas que la cuisson permet avant tout d’avoir des aliments plus sûrs et de pouvoir les conserver plus longtemps.

00.29.22 : Une hypothèse scientifique a été formulée… Le fait de manger un aliment cuit nécessite beaucoup moins d’énergie pour le mastiquer et le digérer. L’énergie devenue disponible a alors pu être utilisée pour le développement du cerveau. Souvenons-nous que chez un bébé, 75% de l’énergie qu’il tire du lait maternel sert à alimenter son cerveau.

 

00.31.08 : D’autres procédés traditionnels de conservation sont apparus bien avant l’agriculture et l’élevage.

00.34.36

Les tuyés du Haut-Doubs

00.35.55 : Le salage, bien avant l’agroalimentaire.

00.39.46 : On redécouvre l’importance de la fermentation actuellement. Bien sûr il y a les boissons fermentées, le fromage, un certain nombre de charcuteries, le pain, …

00.42.49 : Tous les peuples ont pratiqué à des degrés divers la fermentation.

Les produits fermentés : universels et identitaires.

00.45.20 : L’exemple du lait

00.49.14 : La viande : un aliment aux qualités très recherchées

Au cours des temps préhistoriques, les humains n’ont fait que manger de plus en plus de viande. Et finalement, c’est au moment où l’homme se met à pratiquer l’élevage (il y a 10 000 ans) que la viande va devenir un aliment réservé à une élite. En effet, pour nourrir une population qui s’est sédentarisée, qui est du coup en croissance et qui pratique l’agriculture, les céréales et les légumes secs, c’est beaucoup plus efficace et rapide que de nourrir des animaux qui, à leur tour, vont nourrir les hommes.

La viande a été très convoitée par les Hommes de la Préhistoire. On peut penser, en premier lieu, que les qualités sensorielles de la viande étaient appréciées… même si elle était consommée crue.

La viande c’est aussi beaucoup de protéines, et les protéines sont satiétogènes. Consommer de la viande procure un sentiment de rassasiement beaucoup plus rapide, intense et durable qu’en mangeant des végétaux.

 

00.55.00 : La qualité organoleptique de la viande, c’est-à-dire le plaisir gustatif, est un grand moteur de la consommation. On le voit notamment chez l’enfant. S’il n’aime pas, il ne mange pas. Nous adultes, nous ajoutons d’autres critères : santé, équilibre, contraintes de préparation…

00.56.40 : Le goût est évidemment culturel (cuisses de grenouille, huitres versus insectes, goût pour l’amer ou pour le salé…). Le goût, c’est aussi de l’histoire : un aliment très apprécié à une période peut ne plus l’être après.

Ce qui est biologiquement mangeable n’est pas toujours culturellement mangeable.

 

00.59.15 : La qualité gustative des aliments dépend aussi du contexte

01.01.23 : La recherche des qualités diététiques des aliments est-elle ancienne ?

Nos ancêtres faisaient le lien entre l’alimentation et la santé, et cela dès les temps préhistoriques. Comment expliquer que sur certains sites, on ait retrouvé des concentrations importantes de baies de physalis (extrêmement riches en vitamines C). Comment expliquer que dans les vestiges de villages lacustres du Jura on ait des concentrations de spores de certaines fougères ? Les racines de ces fougères avaient des effets thérapeutiques contre les vers intestinaux que les hommes qui consommaient les poissons du lac pouvaient attraper. Cette intuition : « quand je mange, je fais du bien ou du mal à ma santé » était présente… même si on ne pouvait pas l’étayer scientifiquement comme on le fait maintenant.

Hippocrate, le père de la médecine occidentale, était un obsédé des régimes alimentaires. Il préconisait des styles d’alimentation pour prévenir ou soigner des maladies.

 

01.04.00

01.06.00 : La qualité comme distinction sociale

01.09.47

Cette dimension symbolique de l’alimentation existe toujours à travers le luxe, la distinction sociale. Les épices au Moyen Age, c’était comme le caviar aujourd’hui. Il y a eu des modes dans l’alimentation… A la Renaissance, les épices commencent à intéresser moins les élites et c’est le sucre qui devient signe de distinction sociale. Ensuite, à l’époque du Roi Soleil, on va découvrir de nouveaux breuvages exotiques : le thé, le café et le chocolat.

01.13.23 : « Je mange aussi pour montrer mon appartenance à une catégorie sociale ». Parfois, ce qui est sous-entendu, c’est « moi, je sais comment il faut manger pour ma santé, pour la planète. Les autres, la masse des gens, eux ils mangent n’importe quoi. » Il y aussi, parfois, cette dimension moralisatrice de l’alimentation !

1.14.24 : Principe d’incorporation : Ce que je mange je deviens ce que je mange.

 

Beaucoup d’aliments, chez les peuples qu’on appelait autrefois « primitifs », sont recherchés ou écartés sur ce seul principe d’incorporation.

Exemple : les hérissons et les lièvres ne peuvent pas être consommés par les Masaï car considérés par eux comme trop couards.

1.18.09

1.19.10 : Le principe d’incorporation est aussi présent chez nous.

1.19.29 : J’incorpore aussi la naturalité, les valeurs du terroir.

1.19.49 : On incorpore aussi des symboles.

« Pour être consommé, l’aliment ne doit pas seulement être bon à manger. Il doit aussi être bon à penser. » Claude Lévi-Strauss

Ex. : dans notre société les insectes ne sont pas consommés alors que dans des pays d’Asie ils sont consommés comme des friandises.

01.21.26 : La qualité des aliments a souvent été altérée par des fraudes, de tromperies.

Dès lors qu’on avait des produits précieux qu’on pouvait vendre cher, il y a eu des contrefaçons, des fraudes. On a ça depuis l’antiquité avec des épices comme le safran. Dans le poivre on mettait de baies de genièvre. On a eu aussi des fraudes au lait (mouillage : ajout d’eau).

01.23.00 : Pour se rassurer, on essaie de s’approvisionner directement à l’agriculteur. Aujourd’hui il y a une opacité de la filière alimentaire, c’est pour cela que les gens cherchent les contacts directs, les circuits courts.
Depuis Louis IX (XIIIe siècle) on fait des contrôles sur la viande. Il y a des sanctions.

La puissance publique se mêle très tôt de la qualité sanitaire des aliments. En Mésopotamie, dans le célèbre code de Hammurabi (texte juridique babylonien daté d’environ 1750 avant JC), le mauvais brasseur est condamné à être noyé dans la bière qu’il a produite !

01.25.15

01.26.20 : Avec votre connaissance historique, est-ce que les crises alimentaires que nous avons connues ont un impact durable ou non sur notre confiance et notre consommation ?

Prenons l’exemple de la « vache folle », en 1996. Quand on apprend cette histoire de farine animale, la consommation de viande rouge chute brutalement… puis elle remonte au bout de quelques mois. Certes, sans regagner tout à fait le niveau de départ mais il y a tout de même une grande tendance à oublier les choses… ce qui ne veut pas dire qu’il ne reste absolument rien des crises.

1.27.13 : En France, la consommation de viande rouge avait commencé à diminuer en 1980, c’est-à-dire 16 années avant la vache folle. Donc cette crise n’a fait qu’accentuer une tendance à la baisse qui était préexistante. Avec le Covid19, on a vu des pratiques alimentaires accentuant l’intérêt croissant antérieurement porté aux circuits courts, ou accentuant la perception antérieure d’un lien étroit entre alimentation et santé. Du fait de la pandémie, on est davantage sensible aux questions de sécurité sanitaire et de santé. Il en restera aussi quelque chose en termes de prise de conscience et de besoin d’être rassuré (bio et circuits courts).

1.29.34 : Quel impact le XIXe siècle a eu sur la qualité des produits animaux ?

01.34.50 : Perception de la qualité aujourd’hui

Les attentes sont distinctes selon les groupes sociaux. Après la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1970, les Français avaient à peu près tous les mêmes attentes vis-à-vis de l’alimentation : sécurité sanitaire, saveur, service, santé et prix bas. Aujourd’hui tout le monde n’a pas les mêmes attentes.

Avant la Covid, de plus en plus de Français disaient qu’ils voulaient acheter des aliments de meilleure qualité, même s’ils étaient un peu plus chers (on a parlé de « premiumisation » des achats).

 

01.38.43 : Juste avant la Covid19, on disposait de résultats d’enquête montrant qu’il y avait déjà à l’œuvre depuis quelques années des changements, assez rapides, de représentations mentales (la manière dont on perçoit l’alimentation). Cf. : Enquête du CREDOC « Si je vous dis aliment de qualité à quoi pensez-vous ? »

En 2015, Bio est synonyme de qualité. En 2018, en plus de bio, s’ajoute le « sans ».

1.42.11 : Le produit de qualité pendant le premier confinement 2020.

Des valeurs comme le bon goût, la santé, le caractère équitable pour le producteur (plusieurs marques de lait équitables sont sorties pendant le confinement), le produit sûr qui ne fait courir aucun risque, le produit pratique à consommer.

1.44.20 : Des représentations du produit « de qualité qui varient selon les individus et les produits et qui évoluent dans le temps.

 

1.44.23 : Montée des inquiétudes en 2020

1.45.30 : Petits producteurs et local sont synonymes de qualité

1.46.10 : Les attentes des consommateurs

1.48.09 : Laquelle de ces images évoque pour vous la qualité

1.49.19 : Des attentes « historiques »… toujours présentes, et que la pandémie n’a fait que renforcer

1.52.38 : Produits animaux : une qualité multiforme

1.55.00 : Si les grecs anciens voulaient amener leurs concitoyens vers une vie bonne, aujourd’hui, il s’agit d’amener vers une alimentation bonne sur 5 dimensions

1.58.43 : Vous nous avez parlé du paradoxe anthropologique néophilie – néophobie, est-ce que la viande in-vitro, la consommation d’insectes, les substituts végétaux peuvent être assimilés chez nous ?

Concernant les insectes, ils sont associés chez nous à la saleté, il serait donc difficile pour nous de les accepter, sous leur forme entière. Il faudrait du temps.

Dans les substituts à la viande il y a cette question d’acceptabilité. Je pense que les substituts végétaux qui existent déjà (burgers, nuggets) et qui tentent de se rapprocher le plus possible de la viande par son aspect, par son odeur, par son goût évidemment… ont beaucoup plus de chances de fonctionner – auprès d’une petite fraction de la population – que la viande in-vitro. Cette dernière nécessiterait qu’on franchisse un pas très important dans la culture alimentaire française. Pour la très grande partie de la population française, la viande c’est un animal qu’on souhaite voir dans une prairie de montagne. En tout cas, la viande in vitro est un niveau à franchir beaucoup plus important que les substituts végétaux. Et ce niveau, les français ne souhaitent pas le franchir. On a eu récemment un sondage de l’IFOP pour France Agri Mer : seulement 2.2 % des français ont banni la viande de leur alimentation (végétariens, pescetariens, végétaliens et véganes). C’est très peu, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’évolution. Je parlais de réduction de la viande… Les changements alimentaires profonds se font lors des changements de génération. Les générations plus jeunes n’ont pas vécu dans le même contexte social et économique que nous, et donc il va y avoir évidemment des changements. Est-ce que cela aboutira à un basculement massif – qu’on ne voit pas du tout aujourd’hui – vers le végétarisme, voire vers la viande in vitro ? Je pense qu’il faudra tout de même du temps. Ce n’est pas à échéance de 10, 20-ou 30 ans que les choses vont changer. Elles vont changer avec le renouvellement des générations, mais il ne faut pas oublier que dans le domaine alimentaire, il y a des pesanteurs. Et puis il y a ce désir croissant de naturalité. Là, pour le coup, la viande in vitro, c’est tout sauf de la naturalité. Bien sûr avec ce type de viande, il n’y a pas de « meurtre alimentaire » comme disent les anthropologues. Mais on sort complètement de cette attente d’une plus grande naturalité des aliments..

 

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